Touchant près de 150 000 personnes en France, la maladie de Crohn est une maladie inflammatoire chronique du tube digestif. En gros, elle a un impact direct sur l'absorption des aliments pouvant entraîner maux de ventre et diarrhées. Lorsque cela persiste, cela affecte la santé globale du malade : fatigue aiguë, anémie, dénutrition et perte de poids sévère. Problème ? Cette maladie ne se guérit pas et vieillit mal. La question est alors de trouver le traitement adéquat qui répondra le plus favorablement aux symptômes pour soulager le quotidien du patient. Dans ce cadre, la pratique du sport intensive induit un équilibre et une gestion de la maladie très périlleuse. Cette gestion de l’équilibre, Romain l’a vit au quotidien, dans sa quête d’aventure et d’ultra-trail. C’est ce qu’il nous raconte, dans un entretien à cœur ouvert.
La passion du sport dans les tripes
Romain Basset pratique le sport depuis son plus jeune âge. Enfant hyperactif, ses parents lui offrent sa première licence sportive à l’âge de 5 ans. On dit souvent que le sport forme et forge la jeunesse. L’adage colle parfaitement à la trajectoire de vie de Romain. Tombé amoureux de l’effort d’endurance par procuration grâce à un papa cycliste, il décide, après 10 ans de judo, de lâcher le kimono, pour se consacrer à sa nouvelle passion : le vélo. Il gravit très vite les échelons jusqu’à atteindre l’un des plus haut niveau amateur. L’idée de faire carrière lui trotte alors dans la tête.
Puis tout bascule. Un jour de Septembre 2003, Romain est en train de courir, un footing classique comme il a l’habitude d’en faire, durant sa saison de vélo, pour s’aérer la tête. Or cette fois-ci, les choses ne se passent pas comme prévu. Romain doit s’arrêter pour un besoin, 2 fois, presque consécutivement. Sans prévenir, la maladie lui tombe dessus.
« Ce jour-là, j’ai un besoin pressant, je m’arrête et je constate qu’il n’y a que du sang qui sort. Je rentre chez moi, paniqué. Mes parents m’envoient chez mon médecin qui me prescrit immédiatement un rendez-vous chez un gastro-entérologue pour réaliser une coloscopie. Deux mois plus tard, le verdict tombe net : maladie de Crohn. Perplexe, il m’explique que c’est une maladie inflammatoire chronique intestinale (M.I.C.I) qui correspond à un emballement du système immunitaire qui crée une confusion entre le « soi » et le « non-soi », laissant passer des résidus dans les membranes de l’intestin qui ne devraient pas passer. Cela enflamme le terrain et entraîne une inflammation chronique : maux de tête, diarrhées, déshydratation, perte de poids aigus, intolérance alimentaire… Je suis pris en charge par la médecine allopathique, traditionnelle qui est à l’instant T, ce qu’on me conseille de faire. Je sentais déjà qu’il se passait des choses bizarres dans mon corps, parfois limitées sur des efforts à haute intensité, mais à l’époque, sans le recul des années, c’était impossible de présager ce qui m’arrivait. »
Les années passent, Romain est contraint d’apprendre à vivre avec cette maladie omniprésente. Une adaptation permanente dans sa vie quotidienne et sa pratique sportive qu’il gère plutôt bien, jusqu’à un nouveau coup de théâtre, en 2009.
« Cette année-là, je fais une hépatite médicamenteuse, en clair, je m’empoisonne avec mon traitement médical, je suis hospitalisé, les résultats des examens tombent, le foie est en train d’imploser, j’étais en train de mourir. Je me retrouve en soin quelques jours à l’hôpital et au moment de le quitter, déclic. Je ressors de l’hôpital avec une ordonnance avec le même médicament qui avait failli me tuer. Incompréhension, stupéfaction. Mon frère vient me récupérer, je le regarde droit dans les yeux et je lui dis : les choses vont changer. »
« Je le regarde droit dans les yeux et je lui dis : les choses vont changer. »
Les rencontres qui marquent un homme
Sur la trajectoire de vie de Romain, plusieurs rencontres vont faire office de déclic. Alors en région parisienne pour raisons professionnelles, Romain est muté sur Annecy en 2010, un signal qui renforce son envie et son besoin de changement. Très vite, il rencontre Benoît Nave (expert nutritionniste et co-fondateur de Baouw) par le biais de Jean-Louis Bal, 1er électrochoc.
« Le jour où Jean-Louis me parle de Benoit, je sens qu’il va se passer quelque chose. Ni une, ni deux, je prends rendez-vous. 1h30 à raconter mon parcours et mes symptômes à Benoît, il me demande de lui faire confiance, je ferme les yeux et c’est parti. La mise en action est immédiate : métamorphose de mon alimentation. Tout à apprendre et à réapprendre. On supprime le gluten, le lait de vache et tout un tas de produits. En 1 mois, je constate d'énormes progrès. La maladie, au quotidien, ce sont des symptômes, une forme de brouillard mental que j’avais banalisé et normalisé. En 1 mois, ce brouillard mental disparaît. Je prends conscience que l’alimentation a un impact gigantesque sur la gestion de ma maladie. »
« Le jour où Jean-Louis me parle de Benoit, je sens qu’il va se passer quelque chose. »
La spirale positive est en marche. Un déclic en amenant un autre, sur conseil de Benoit, Romain rencontre Guillaume Fantin, naturopathe chevronné. Une nouvelle grande étape dans sa quête d’équilibre.
« Lorsque je rencontre Guillaume, je lui dis : je veux faire ce qu’a fait Benoît pour moi, je veux aider les autres, je veux devenir naturopathe. Je m’inscris alors à l’école d’Aix-les-Bains en 2012 où mon cursus dura 3 ans à la suite desquels je décroche 3 diplômes, un chaque année : conseiller en produits biologique et naturel la 1ère année ; éducateur de santé la 2ème année ; praticien de santé naturopathe la dernière année. Avec le recul aujourd’hui, j’ai compris que ce diplôme, je l’avais fait pour moi, avant tout pour mon enrichissement personnel et m’appliquer les bonnes choses. J’ai été mon propre laboratoire. Le temps passe, je trouve mon équilibre, mais la maladie continue d’évoluer et d’être instable, alternant entre phases de poussée et phases de rémission. »
« Je veux faire ce qu’a fait Benoît pour moi, je veux aider les autres, je veux devenir naturopathe. »
Le trail, son nouveau souffle
Romain découvre véritablement la course à pied en 2007, en région parisienne. Lassée d’une vie citadine éreintante, la pratique de la course à pied en nature s’ouvre à lui. Un besoin de respirer, de prendre son temps, de s’écouter.
« Je commence le trail en 2007, de suite, je me passionne pour ce sport et ses champions : Antoine Guillon, Dawa Sherpa… que je vois faire des choses extraordinaires qui me semblent impossible. J’ai eu très tôt cette volonté d’être encadré par un professionnel. Ce sera Julien Rancon, une pointure. Dès le début, nous avons développé une forte relation amicale. Nous avions l’idée commune qu’il fallait y aller progressivement pour progresser sur le long terme. Or j’avais déjà une volonté d’aller vivre des aventures par le trail et je me sentais capable de réaliser de belles choses sur des longues distances. Beaucoup de blessures au départ, comme tout le monde le sait, un cycliste qui se met à courir, c’est une catastrophe. Puis de fil en aiguille, mon corps s’est adapté et m’a autorisé à aller explorer toujours un peu plus loin mes limites. En 2010, je suis muté sur Annecy, le paradis. L’arrivée dans ce terrain de jeu va définitivement m’ouvrir à la pratique de l’ultra trail. »
Depuis, cette quête d’aventure et d’émotions fait partie intégrante de la vie de Romain et l’a emmené à parcourir des milliers de kilomètres sur les sentiers : 90km du Mont-Blanc, Echappée Belle, Maxi-Race, CCC, Trail du Ventoux et tant d’autres… avec très souvent, des résultats bien au-delà de ses espérances. En témoigne sa 19ème place à la Diagonale des Fous en 2016. Même si la gestion de la maladie reste partie prenante.
« Aujourd’hui, c’est clair que j’en fais moins qu’avant, car ça devient de plus en plus compliqué d’enchaîner les courses, alors il faut que je sois intelligent dans ma planification. En termes de quantité, je m’entraîne environ entre 12 et 15h semaine en moyenne sur l’année, avec des pics à 25h sur de la prépa spécifique. Je pratique beaucoup les sports croisés. Au-delà de l’économie articulaire que cela apporte, c’est aussi bénéfique pour mon confort digestif. C’est tout un équilibre à trouver, car je le paye très rapidement lorsque je cours beaucoup. »
Son année 2022 le conforte dans cette stabilité retrouvée.
« Lors de cette année, j’avais programmé 2 formats 100 miles, des formats que j’affectionne particulièrement. J’ai tout mis en place pour y arriver en étant le plus prêt possible. Cela s’est traduit par une 9ème place à la X-Alpine en Suisse en Juillet et une 7ème place sur le Nice Côte d’Azur by UTMB en Septembre. Des résultats qui m’ont surpris et qui m’ont surtout convaincu que malgré une maladie auto-immune, il est possible de réaliser des grandes performances. Très souvent, on s’attache aux 3 premiers, j’ai envie de dire parfois, arrêtez de parler uniquement des 3 premiers et intéressez vous à ceux qui sont derrière, qui performent presque tout autant et qui ont de très belles histoires à raconter. »
Un quotidien qui reste pesant
Malgré des phases de rémission plus importantes, l’équilibre reste fragile. La maladie évolue et Romain se doit d’être sur le qui-vive en permanence et d’adapter son entraînement continuellement en fonction des symptômes.
« Je dois être franc, aujourd’hui, c’est très compliqué. Même si pendant de longues années, j’ai choisi de me débrouiller par moi-même, j’ai dû réintégrer dans mon quotidien des choses de la médecine plus traditionnelle. Quand on a plus le choix, il faut faire ce qu’on a à faire même si on est en désaccord avec. Aujourd’hui je mange plutôt très bien, mais cela n’a pas été le cas toute ma vie, et avec le poids des années, ainsi qu’une pratique du sport intensive, cela engendre du stress et de la fatigue, plus que pour une personne qui serait sédentaire. J’ai 44 ans, j’envie les jeunes d'aujourd'hui qui sont beaucoup mieux encadrés et mieux suivis par des professionnels de santé. »
Avec toutes les conséquences extérieures que cela engendre.
« La maladie, quoi qu’il en soit, elle isole socialement. J’aimerai m’intégrer dans un groupe, mais c’est encore quelque chose de difficile pour moi, je ne veux pas imposer ma maladie. Néanmoins, des réseaux se constituent entre celles et ceux qui souffrent de la même maladie, un partage d’expériences et de bons conseils qui nous permettent de nous sentir compris et épaulés. C’est le cas notamment de l’association François Aupetit pour laquelle j’ai récolté des fonds lors de ma Diagonale en 2016. »
Et Baouw dans tout ça ?
Dès 2010, lorsque Romain rencontre Benoît Nave, l’alchimie naissante donne lieu aux premières expérimentations de produits énergétiques faits maisons pour répondre favorablement à la pathologie de Romain.
« On confectionnait déjà nos petites purées et barres maisons. Quand Baouw a été créée en 2017, forcément, j’ai tout de suite adhéré à la philosophie : sans gluten, sans lactose, produits bruts, très faible cuisson, beaucoup de micronutriments… C’est banco pour quelqu’un comme moi. La marque correspond à 100% à ce qu’il m’est recommandé de consommer. Baouw, c’est le qualitatif avant tout ! »
« Quand Baouw a été créée en 2017, forcément, j’ai tout de suite adhéré à la philosophie. »
Des produits qui lui conviennent parfaitement et lui permettent d’établir sa propre routine nutritionnelle à l’effort.
« Lors de mes courses, j’ai une routine nutritionnelle très personnalisée grâce notamment à Valentin Lacroix, diététicien-nutritionniste qui m’a beaucoup aidé dans mon approche avant-pendant-après, où j’avais des grosses lacunes. Ce qu’une personne lambda va mettre en place avant la course pour l’épargne digestive va durer 2-3 jours, chez moi ça va durer 1 semaine, pour limiter au maximum le risque d’apparition de problèmes gastriques à l’effort. J’ai des souvenirs de course où j’ai dû m’arrêter plus de 20 fois. Cela a très bien fonctionné à Madère lors du MIUT (Madeira Island Ultra Trail) en Avril, où je ne me suis arrêté que 2 fois en 20h de course. Donc l’idée est de supprimer tous les légumes, les oléagineux, et tout ce qui pourrait me poser des troubles digestifs ».
« Ce qu’une personne lambda va mettre en place avant la course pour l’épargne digestive va durer 2-3 jours, chez moi ça va durer 1 semaine. »
« En parallèle de ça, depuis 10 ans maintenant, je consomme tous les jours des jus de légumes que je réalise moi-même, donc frais et non pasteurisés, afin d'apporter tous les micro-nutriments, toutes les vitamines et tous les oligo-éléments nécessaires à mon bon équilibre. Ceci pour compenser les légumes que je ne consomme pas « à la croque » pour ne pas irriter l’intestin, mais aussi pour alcaliniser au maximum le terrain. Pour moi, les jus de légumes, c'est MA clé très personnalisée avec tous les bienfaits des fruits et légumes mais sans leurs fibres. Pendant l’effort, j’ai accentué ma prise de glucides et je me suis rendu compte que cela favorise la protection de la muqueuse intestinale en plus de favoriser la performance. Contrairement à beaucoup de personnes, moins je mastique et mieux je me sens, donc les purées et les nouveaux gels Baouw sont parfaits pour ça. J’arrive à atteindre 80-90g à l’heure. Donc plus des 3/4 de mon apport énergétique, pendant l'effort, passe par la boisson énergétique, les compotes, les purées, les gels. Soit une alimentation / hydratation liquide ou semi / liquide. »
La santé comme clé de voûte
Romain a aujourd’hui 44 ans et sa passion pour l’endurance ne cesse de s’attiser, au fil des aventures auxquelles il prend part chaque année.
« La maladie m’a fait comprendre la valeur du temps présent. Il ne faut pas gaspiller cela, le temps est précieux donc il faut tout faire pour en profiter, mais pas à n’importe quel prix. En gardant toujours à l’esprit que la santé est le socle de tout. Et qu’il faut s’entourer de gens compétents qui vous aideront à atteindre vos objectifs. Si j’avais un message à faire passer, ce serait que les jeunes prennent dès le début en main leur santé en mettant des choses en place qui leur permettront de performer sur le long terme. La santé en priorité, la performance après. La volonté de remporter une course ne doit pas empiéter sur le reste. »
« La maladie m’a fait comprendre la valeur du temps présent. »
Comme pour le féliciter de sa résilience et de son courage, Romain, pour la première fois de sa carrière de trailer, alors même qu’il tente d’y participer depuis de nombreuses années, a enfin obtenu son précieux sésame, un dossard sur la plus grande course du monde, l’UTMB.
Retour sur le projet d'une vie : courir un utmb
Nous rajoutons ces dernières lignes, quelques semaines après l'UTMB auquel Romain a donc participé cette année. Comme tout ultra-traileur sait : l'entrainement est une chose et nous ne sommes jamais à l'abri d'un aléa malheureux le jour J.
Romain te raconte :
"J'ai dû abandonner l'UTMB au 130e km sur blessure (inflammation du releveur). C'est évidemment une immense déception car j'avais impeccablement bien géré ma course jusqu'à Courmayeur. Me laissant de très bonnes ressources, tant physiques que mentales, pour toute la seconde partie du parcours.
Je commençais à remonter pas mal de places au classement et l'énergie était ascendante et carrément surprenante. J'étais sur des bases de 30h30 (et +/- 180 à 200e au scratch). Donc vu mon contexte médical, je vivais la course parfaite, à mon niveau.
Mais à la bascule du Grand Col Ferret une douleur étrange est apparue dans le pied gauche. J'ai serré les dents pendant environ 30 km mais à CHAMPEX LAC la douleur est devenue insupportable. Je gémissais à chaque fois que le pied touchait le sol. L'abandon qui n'avait jamais été une option est devenu obligatoire !
J'ai du mal à me remettre psychologiquement car l'investissement durant toutes ses années a été énorme. Mais j'apprends à relativiser. Déjà, l'abandon n'est pas lié à un problème de nutrition ; et je sais qu'il y a plus grave dans la VIE. "
C'est dans différents chemins de vie et histoires atypiques que résident les plus beaux combats. Baouw est ravi de donner voix à Romain Basset afin qu'il partage son parcours et son courage.
Pour suivre les aventures de Romain sur Instagram : rom_01_basset
©romain basset